PREAMBULE 

La fabrication des lampes à beurre est une activité profondément spirituelle, mais aussi délicate et exigeante. Avant même d’entrer dans la pratique proprement dite, il est important de comprendre qu’elle demande une présence véritable, une attention constante, une précision dans les gestes et une réelle minutie. Ce n’est pas une activité que l’on peut accomplir en étant pressé ou agité : elle invite naturellement à ralentir, à se poser et à cultiver une attitude intérieure calme et stable.

Lorsque cette activité est réalisée avec soin et exactitude, elle devient une source de bienfaits profonds. Une fabrication juste crée un support de lumière qui portera du bien-être, de la clarté et une énergie positive à d’innombrables êtres. Celui qui prépare les lampes accumule ainsi un mérite inconsidérable. Il est dit que ces actes deviennent des causes et des conditions favorables pour obtenir, dans les vies futures :

  • un corps agréable, harmonieux et en bonne santé,
  • une beauté naturelle,
  • une odeur corporelle pure et agréable,
  • une vue claire, stable et pénétrante
  • une intelligence vive et lumineuse,
  • une grande facilité à comprendre le Dharma,
  • et un esprit dégagé des obscurcissements.

Il est également important de garder à l’esprit que fabriquer une lampe, c’est offrir à quelqu’un d’autre la possibilité de faire une belle offrande. Une lampe bien préparée devient un support juste et harmonieux pour celui qui l’allumera. En prenant soin de la fabriquer correctement, on facilite la pratique d’un autre être et l’on participe déjà à son accumulation de mérite.

Au-delà de ces bienfaits, cette activité devient une aide précieuse sur le chemin spirituel : travailler la minutie, la stabilité et le respect développe naturellement l’humilité, la patience et la joie d’offrir. C’est dans cet état d’esprit, à la fois simple et profondément respectueux, que l’on commence cette pratique sacrée.

MOTIVATION 

Avant de commencer la fabrication des lampes, il est essentiel de préparer correctement le corps et l’esprit, car il s’agit d’une activité sacrée du Dharma.

Tout d’abord, on se nettoie soigneusement les mains. Ce geste marque le respect que l’on accorde à ce que l’on va accomplir. Tout au long de la fabrication, on veillera à maintenir cette propreté : si l’on touche un animal, un objet impropre ou quoi que ce soit de non adapté, on prendra le temps de se relaver les mains avant de reprendre. La pureté extérieure soutient naturellement la pureté intérieure.

Une fois ce soin apporté, on établit la motivation juste, en s’appuyant sur les trois méthodes.

Au début, on génère une intention vaste et pure, en se rappelant que cette activité est faite pour le bienfait de tous les êtres. Pendant la pratique, on garde autant que possible la conscience et la présence, en demeurant attentif et respectueux dans chaque geste. Et à la fin, on conclut en dédiant le mérite accumulé, afin qu’il devienne une cause de bonheur, de clarté et d’apaisement pour tous.

Grâce à cette préparation intérieure et extérieure, chaque étape de la fabrication des lampes peut être accomplie avec justesse, calme et respect, en accord avec le sens profond de cette pratique.

PREPARATION DE LA LAMPE

Avant de pouvoir fabriquer une nouvelle lampe, il est nécessaire de préparer correctement le support. Cette étape demande de la délicatesse, de l’attention et un vrai souci de propreté, car la lampe elle-même devient un support d’offrande. Plus elle est propre et préparée avec  justesse, plus elle sera un bon support de mérite pour celui qui l’offrira ensuite. 

Si la lampe a déjà été utilisée, la première étape consiste à retirer la mèche brûlée, qui est devenue noire et friable. À l’aide d’une petite pince, on extrait délicatement la mèche, en prenant garde à ne pas déposer de noir partout, car il s’accroche facilement.

Une fois la mèche retirée, on procède au nettoyage complet de la lampe, à l’intérieur comme à l’extérieur. On utilise du papier absorbant pour bien essuyer toutes les surfaces et enlever les résidus de suie ou de graisse. La lampe doit être parfaitement propre avant de recevoir une nouvelle mèche et une nouvelle offrande de graisse.

Pendant ce nettoyage, on peut réciter mentalement le court ou le long mantra de purification de Dorjé Sempa. On imagine que  l’on purifie toutes les impuretés, toutes les circonstances négatives ainsi que tous les endommagements de samayas,  les nôtres, et ceux de tous les êtres. Cette visualisation donne encore plus de sens et de profondeur à ce geste simple.

La lampe est alors propre, prête à être utilisée comme support d’offrande.

LES DIFFERENTES LAMPES

Il existe plusieurs types de lampes qui diffèrent par leur taille, leur matière, leur forme et parfois certains éléments supplémentaires. Tous ces aspects ont leur importance dans la signification et la qualité de l’offrande.

LES TAILLES

Il existe une grande variété de tailles. Certaines lampes sont très grandes et appelées « tsébar » : elles sont conçues pour brûler toute une journée et toute une nuit

LES MATIERES

Les lampes peuvent être fabriquées dans différentes matières, un peu comme les statues :

  • Métal léger
  • Laiton
  • Cuivre ou bronze
  • Argent
  • Alliages précieux ou plaqués or

Dans le Dharma, comme pour toutes les offrandes matérielles, plus la matière est précieuse, plus l’accumulation de mérite est grande. Offrir un support de valeur est considéré comme un acte vaste et profondément bénéfique.

LA FORME

La forme traditionnelle de la lampe n’est pas uniquement esthétique.

Elle représente une élévation depuis la base vers l’ouverture supérieure, symbolisant le chemin vers l’éveil.

 

LES ORNEMENTS

Beaucoup de lampes comportent des gravures ou des motifs auspicious, tels que :

  • Métal léger
  • les Huit signes auspicieux,
  • des symboles d’offrandes,
  • des fleurs,
  • ou des motifs traditionnels tibétains.

Ces décorations ou ornements de pierres précieuses renforcent la dimension d’offrande du support.

 

LES LAMPES AVEC COUVERCLE

Certaines lampes possèdent un petit couvercle perforé sur le dessus.

Ce couvercle a plusieurs fonctions :
  • protéger la flamme du vent,
  • maintenir la chaleur,
  • et servir de support à un petit moulin en papier.
Le moulin en papier (moulin à mantras)
Sur certaines lampes, on place un petit moulin en papier contenant ou décoré de mantras.
Grâce à la chaleur de la flamme, le moulin se met à tourner doucement, créant une offrande supplémentaire.
Cela ajoute :
une activité d’offrande continue,
un mouvement harmonieux,
et une dimension symbolique forte : le mantra tourne avec la chaleur de la lumière, diffusant la bénédiction dans toutes les directions.

 

CHOISIR SON SUPPORT

Lorsque l’on a la possibilité de choisir, il est conseillé de prendre :

une lampe de forme traditionnelle,
de bonne matière,
et si possible ornée de symboles auspicious.
Car la lampe elle-même devient un support précieux, et la qualité du support contribue naturellement à la qualité de l’offrande.

 

LA GRAISSSE

Pour fabriquer les lampes à beurre, on utilise une graisse végétale, le plus souvent de la graisse de palme ou de la graisse de coco. Les deux conviennent parfaitement pour cette pratique. Il est toutefois essentiel que la graisse soit hydrofugée, c’est-à-dire sans aucune présence d’eau, car l’humidité empêcherait la lampe de brûler correctement.

Cette graisse est achetée spécialement pour les lampes et elle est entièrement consacrée à cette pratique. Elle est stockée dans un endroit propre, réservée uniquement à cet usage, et jamais utilisée pour cuisiner ou pour tout autre besoin.

On commence par placer la graisse dans une marmite. À ce stade, elle est encore solide, sous forme de blocs ou de morceaux. En chauffant doucement, elle commence à ramollir, prenant une texture épaisse, un peu comme du beurre.

On poursuit la fonte avec beaucoup d’attention, en veillant à ne jamais chauffer trop fort. Une graisse trop chaude peut :

  • perdre sa pureté,
  • dégager une odeur de brûlé,
  • et surtout provoquer, lors du refroidissement, ce qu’on appelle le “frisage” : la surface de la lampe forme alors des vagues ou des plis, ce qui n’est pas harmonieux pour une offrande.

Pour éviter cela, on éteint le feu avant que toute la graisse soit complètement liquéfiée. La chaleur résiduelle suffit pour terminer la fonte naturellement, en douceur, sans dépasser une température adéquate.

Lorsque la graisse devient totalement liquide, semblable à de l’huile, elle est prête pour la suite de la pratique.

À ce stade, on la laisse ainsi, sans encore la transvaser : cette étape viendra plus tard, au moment du remplissage des lampes.
Enfin, il est important de rappeler que tout le matériel utilisé pour la fabrication des lampes; marmite, cuillères, spatules doit être réservé exclusivement à cette activité. On ne les utilise jamais pour la cuisine ou pour un usage personnel : ce sont des supports d’offrande, et ils doivent être traités comme tels.

 

LES MECHES

La préparation des mèches est une étape essentielle dans la fabrication des lampes à beurre. C’est une pratique qui demande de la persévérance et de la minutie car la mèche est le cœur de la lampe : c’est elle qui portera la lumière.

FABRICATION

Pour fabriquer une mèche, on utilise des allumettes comme support : leur bois est fin, léger et adapté. À l’inverse, on n’utilise jamais des pics à brochette ou des bois trop grossiers, car ils sont inappropriés pour une offrande et ne permettent pas d’obtenir une mèche fine et harmonieuse.

Dans certains temples, notamment pour les grandes lampes tsébar, la structure de la mèche peut être encore plus précieuse : on remplace le bois par une petite tige en argent, ou parfois même en or. Le coton est ensuite enroulé dessus de la même manière. Utiliser un métal précieux est considéré comme une offrande encore plus vaste et très méritoire.

On vérifie d’abord que l’allumette n’est pas tordue. Puis on enroule un coton de bonne qualité autour de la tige, en tournant vers soi, dans le sens des aiguilles d’une montre.

La quantité de coton doit être juste : ni trop peu, ni trop, afin d’obtenir une flamme régulière et harmonieuse.

La mèche doit prendre la forme d’un petit cône :

  • une base légèrement plus large,
  • un sommet bien effilé,
  • un enroulement serré et régulier.
Cette étape est une pratique en soi, qui se fait toujours de la main droite.

ADAPTER LA MECHE A LA LAMPE

Il existe différentes tailles de mèches selon les lampes utilisées, et il est essentiel de choisir une mèche adaptée à la taille de la lampe.

Une mèche trop petite s’enfoncerait dans la graisse et ne pourrait pas s’allumer correctement.

Une mèche trop longue donnerait une flamme trop grande, ce qui n’est pas correct pour une offrande.

Idéalement, une fois posée dans la lampe, la mèche doit dépasser d’environ deux centimètres au-dessus du niveau prévu de la graisse. L’ensemble doit être harmonieux : la mèche ne doit ni dominer, ni disparaître, mais trouver sa juste place au centre de la lampe.

PLACER LA MECHE

Une fois formée, la mèche est placée au centre de la lampe, bien droite.
Lors du remplissage, elle sera légèrement imbibée, ce qui lui permettra de s’allumer immédiatement au moment de l’offrande de lumière.

LE REMPLISSAGE

Lorsque la graisse a atteint la bonne température, on peut procéder au remplissage des lampes. Cette étape demande une grande précision, car elle conditionne l’harmonie de l’offrande et les connexions positives qui en découleront

On transvase la graisse dans un petit récipient muni d’un bec verseur, réservé exclusivement à la fabrication des lampes. Comme tout le matériel utilisé pour cette pratique, ce récipient n’est jamais employé pour un usage personnel ou culinaire.

De la main droite, on verse la graisse lentement, en prenant soin de ne pas faire basculer la mèche. Il est important qu’elle soit légèrement imbibée, juste assez pour pouvoir s’allumer immédiatement, sans être noyée ni affaissée.

Tout en versant la graisse, on récite le mantra OM AH HOUNG :

OM purifie l’offrande,
AH la transforme en offrande parfaite,

HOUNG la multiplie à l’infini.

On remplit ensuite la lampe à ras bord, symbole de générosité, mais sans jamais déborder. Le dépassement de la graisse n’est pas seulement un manque de précision : cela crée de mauvaises connexions karmiques et rend l’offrande incorrecte. À l’inverse, verser trop peu n’est pas approprié non plus et est associé à une forme d’avarice.

Le remplissage devient ainsi un exercice de présence, où l’on recherche la mesure juste, ni trop, ni trop peu. Ce geste devient une véritable pratique de précision et d’attention..

Une fois cette étape terminée, il faut attendre que la graisse se solidifie avant de pouvoir déplacer les lampes. Ce n’est qu’une fois bien durcies qu’on peut les transporter dans la maison des lumières, où elles seront disposées avec soin pour l’offrande.

 

L’OFFRANDE

Une fois les lampes durcies, on les installe dans la maison des lumières. Tous les temples en possèdent une, plus ou moins élaborée. Certains, comme ici, disposent les lampes sur un socle pyramidal.

Dans une maison des lumières, il est essentiel qu’une lampe reste allumée en permanence. Il ne doit jamais y avoir d’interruption : la lumière doit demeurer continue, symbole de la présence du Bouddha et de la clarté ininterrompue de la sagesse. C’est pour cette raison que l’on place souvent des tsébar, des lampes de grande taille, capables de brûler longtemps et d’assurer cette continuité.

ALLUMER LES LAMPES

Lorsque l’on manipule les lampes ou au moment de les allumer, on veille à ne pas souffler ni postillonner dessus. On protège donc la bouche soit avec la main, soit avec un masque  afin d’éviter toute impureté involontaire.

Les lampes doivent être placées avec soin, de manière harmonieuse, en respectant un espace similaire entre chacune d’elles.

Traditionnellement, on utilise pour l’allumage une tige enroulée de coton, appelée « rwa bar » en tibétain, préalablement imbibée de graisse. Cet outil permet d’allumer de nombreuses lampes facilement, sans se brûler et sans salir les supports. Comme toujours, on allume de la main droite, avec des gestes délicats et gracieux. On peut également utiliser une allumette.

Si les lampes ont été préparées correctement, la mèche s’allume immédiatement au premier contact du feu : c’est le signe que l’offrande a été réalisée avec soin et justesse.

LA BENEDICTION DES LAMPES

Lorsque toutes les lampes sont allumées, on les bénit à l’aide du boumpa. En récitant de nouveau OM AH HOUNG, on purifie, transforme et multiplie l’offrande, consacrant ainsi la lumière pour le bien de tous les êtres

LA PRIERE D’OFFRANDE

Juste après la bénédiction, on récite une prière d’offrande de lumière. Selon les traditions, le texte peut varier, mais l’intention demeure : offrir la lumière aux Bouddhas et Bodhisattvas, dissiper l’obscurité de l’ignorance et apporter clarté, sagesse et bienfaits à tous les êtres.

Il est particulièrement bénéfique d’offrir les lampes avant une pratique, afin qu’elles soient soutenues par les prières, les récitations et les souhaits du groupe, ce qui amplifie leur force et leur portée.

De même, si un maître spirituel est présent, il est extrêmement précieux qu’il puisse allumer les lampes ou réciter les souhaits. Les souhaits d’un maître, dont l’esprit est libre de confusion, possèdent une puissance incomparable.