Le Guru Yoga

Extrait du « Le Chemin de la Grande Perfection »

Le Yoga du maître, porte des bénédictions, méthode ultime pour engendrer la sagesse de la réalisation.

 

PRESENTATION GENERALE

Quand on pratique le Dharma authentique, il importe en premier lieu de rechercher un maître possédant toutes les qualifications requises ; d’obéir ensuite à toutes ses instructions et de le prier du fond du coeur en le considérant comme un réel Bouddha. 

« C’est par le moyen de la foi qu’on réalise l’absolue vérité », dit un soutra. 

Atisha, quant à lui, déclare :

« Amis, jusqu’à l’Eveil nous avons besoin d’un maître ; suivez donc un ami sublime. Jusqu’à la réalisation du mode d’être, nous avons besoin d’apprendre ; écoutez donc les instructions de votre maître. Tout bonheur est une bénédiction du maître ; souvenez-vous donc de sa bonté »

Et Guéshé Kharak Gomchoung :

« Le maître doit être reconnu comme l’auteur de tous les accomplissements mondains et extra mondains.

Connaître les Trois Corbeilles n’est d’aucune utilité si l’on n’a pas de dévotion pour son maître »

 Dans le Véhicule du Vajrayana, le Véhicule de Diamant des Mantras Secrets en particulier, quelle que soit la voie suivie, c’est le maître qui est le plus important. C’est pourquoi tous les tantras enseignent le Yoga du maître, déclarant cette méditation supérieure à toutes celles des phases de création « kyérim » et perfection « dzokrim ».

On lit dans un tantra :

« Penser un seul instant à son maître, vaut mieux que de méditer cent mille divinités pendant dix millions de kalpas »

 Cela s’applique tout spécialement au Véhicule du Cœur de Diamant, l’essence du cœur de la grande perfection naturelle. On n’y enseigne pas, comme dans les véhicules inferieurs*, qu’il faille établir la vérité profonde par le truchement de l’analyse et de la logique ; (« Inferieur *», ici n’a pas de sens péjoratif. Il indique la place qu’occupent certains enseignements par rapport à d’autres qui, à cause des êtres à qui ils s’adressent, ont un sens plus profond, un point de vue plus vaste ou une efficacité plus grande.) Ou comme c’est le cas dans les tantras inferieurs, qu’il faille passer par les accomplissements ordinaires pour obtenir en fin de compte l’accomplissement suprême. On n’y demande pas expressément, comme dans les autres tantras supérieurs, de se servir de la sagesse symbolique de la troisième initiation pour reconnaître la sagesse ultime. Dans ce véhicule-ci, on prie avec une dévotion fervente et une confiance totale un maître riche de la réalisation suprême et dont la lignée, comme une chaîne d’or, n’est pas souillée par la « rouille » des samayas rompus. En le priant lui seul, en le considérant comme le Bouddha en personne* son esprit et notre mental se fondent indissolublement et, grâce au transfert de ses bénédictions, la réalisation émerge en nous*. (« Le bouddha en personne*» De quelle manière faut-il considérer le maître comme le Bouddha ? Selon les enseignements du Petit Véhicule, il n’est pas même nécessaire de voir le maître comme un être sublime ou un bouddha-par-soi : le considérer comme un être ordinaire possédant des qualités suffit. Pour le chemin des Bodhisattvas, il suffit de le considérer comme un être ayant atteint l’une des terres sublimes, comme le corps d’apparition d’un bouddha ou au moins comme un Bodhisattva qui se trouve au stade de la grande voie de l’accumulation. Dans la tradition de la Grande Perfection, considérer le maître comme un homme ordinaire érudit, un arhat, un Bodhisattva des terres sublimes, le corps d’apparition d’un Bouddha ou même un corps de jouissance ne convient pas. Il faut le considérer comme le corps absolu. Si alors on est capable de prier ce maître avec une foi sans nulle versatilité, on peut faire émerger en soi la sagesse de la réalisation sans l’aide d’autres voies.)

(« La réalisation émerge en nous* », Si l’on a la dévotion de voir son maître le Bouddha, la sagesse de la réalisation surgira, même si l’on ne pratique ni la création et la perfection (kyérim-dzokrim). Cette opinion est partagée aussi par la nouvelle tradition. Bien que dans l’Anuyoga et Mahayoga, la création et la perfection soient les deux pratiques principales, si l’on n’entre pas en conflit avec son maître et ses frères spirituels et que l’on pratique le maître comme étant l’essence des divinités, les accomplissements sont proches et les bénédictions surviennent vite.  Tout particulièrement selon l’Atiyoga, on reçoit d’abord d’un maître authentique les quatre initiations de la Grande Perfection : élaborée, non élaborée, extrêmement non élaborée et totalement non élaborée et on lie son esprit en observant parfaitement les samayas. La voie consiste alors à pratiquer la pureté originelle du « Trektcheu » et la présence spontanée du « Theugal ». Cependant, lors de la pratique, on n’enseigne pas, comme dans les voies moins élevées, que pour faire naître la réalisation, puis ne pas la laisser dégénérer et enfin la faire croître sans cesse, il faille principalement accomplir les accumulations ou pratiquer avec une mudra. Qu’enseigne-t-on comme essentiel ? On déclare que prier son maître avec une dévotion telle qu’on le perçoive comme un Bouddha permet à la sagesse de la réalisation d’émerger dans notre esprit ; et qu’en six mois de dévotion imperturbable on peut atteindre le niveau de Vajradhara.)

Rappelons ces paroles déjà citées :

« La sagesse absolue qui est coémergente est seulement le fruit des accumulations, des purifications, et des bénédictions d’un grand maître accompli : sachez qu’il est stupide de vouloir s’en remettre à d’autres procédés »

Sahara dit aussi :

« Faire entrer dans son cœur les paroles du maître, c’est avoir un trésor dans le creux de sa main »

Longchenpa, l’omniscient souverain du Dharma, écrit dans, Le repos de l’illusion :

« Les méditations des phases de création et de perfection « Kyérim-Dzokrim », par les voies qui leur sont propres, ne sont pas de nature à nous libérer, car elles dépendent de facteurs comme la conduite et les progrès accomplis. Le Yoga du maître est le seul chemin qui, par nature, soit à même de faire émerger en nous la réalisation du mode d’être ultime et de nous libérer. Le Yoga du maître est donc de toutes les voies la plus profonde »

On lit dans L’Agencement de samaya :

« Penser un seul instant à son maître vaut mieux que cent mille kalpas de méditation sur une déité possédant les marques majeures et mineures*. Une seule prière adressée à son maître vaut mieux qu’un million de récitations d’approche et d’accomplissement »

(« Les marques majeures et mineures* » C’est-à-dire un Bouddha)

Et dans L’Agencement ultime :

« Qui a pris pour sujet de sa méditation le maître bienveillant au sommet de sa tête, au centre de son cœur ou au creux de sa main, détiendra les pouvoirs d’un millier de Bouddhas »

Le vénéré Gueutsangpa déclare :

« Qui du maître pratique le Yoga épuise ses défauts et toute vertu gagne »

Et aussi :

« Les méditations de la phase créative « Kyérim » abondent, mais aucune ne surpasse la méditation sur le maître. Dans la phase de perfection « Dzokrim » elles foisonnent également, mais aucune ne surpasse l’abandon total »

Ecoutons encore le précieux Drikoung Kyopa :

« Si sur le pic neigeux des quatre corps du maître ne brille le soleil de notre dévotion, point ne viendra le flot de ses bénédictions. Qu’à la dévotion donc notre esprit s’ingénie ! »

Et Jetsun Rangrik Répa :

« Désirer la sagesse du non-penser sans adresser de prières à son maître, c’est comme attendre le soleil dans une grotte orientée au nord : Jamais ne se fondront esprit et apparences »

 La pratique de dévotion du Yoga du maître est la seule méthode capable de faire émerger dans notre esprit la réalisation du mode d’être inaltéré.

 Alors que Naropa était un pandit versé dans les trois véhicules du bouddhisme et occupait le rang de Protecteur de la Porte Nord de Vikramasila après avoir mis fin à toutes les menaces des tirtikas, une dakini de sagesse lui dit : « tu es expert en mots, mais tu ne l’es pas en sens. Tu as encore besoin de suivre un maître.» Il obéit et suivit Tilopa, au prix de nombreuses épreuves. Celui-ci lui dit un jour : « Malgré tout ce que je t’ai enseigné, tu n’as pas compris ! » Et il frappa le front de Naropa avec sa sandale. Naropa connut alors la réalisation du mode d’être et sa sagesse fut identique à celle de son maître.

 On raconte également que Nagabodhi parvint à l’accomplissement suprême en ramassant et mangeant une morve jetée par le sublime Nargarjuna.

Le Vidyadhara Jigmé Lingpa déclara :

« En voyant les écrits excellents du second Bouddha, je me mis spontanément à le considérer comme le Bouddha en personne et le priai intensément. Le corps de sagesse m’accepta et je connus en moi la réalisation spontanée. A partir de ce jour, j’instruisis des centaines de disciples. Les plus courageux ne dépassèrent pas les états de concentration mondains. Les plus intelligents en restèrent au niveau de l’analyse intellectuelle. Seuls ceux qui prirent le chemin direct de la dévotion réalisèrent l’absolue vérité »

 A l’époque ou était en exil au Val Torride de Gyelmo, le grand traducteur Vairocana enseigna cette méthode de bénédiction par la pratique du maître à Pang Mipham Gompo, un vieillard de quatre-vingts ans diminué par l’âge. Il lui soutint le corps avec une ceinture de méditation et la tête avec un support. Mipham Gompo connut la réalisation correcte de la pureté primordiale du « trektcheu ». Son corps disparut en infimes particules* et il atteignit la bouddhéité. (*Ce phénomène, appelé corps d’arc en ciel, est le fruit de la pratique de la pureté primordiale enseignée dans la section Esprit et la section Espace de la Grande Perfection.)

 En comparant les enseignements des neuf véhicules graduels, on ne trouve pas de voie profonde supérieure à celle-ci. On la qualifie de préliminaire, mais en fait elle représente ce qu’il y a de plus essentiel dans toutes les pratiques principales. On pourrait, en toute circonstance, en faire le cœur unique de sa pratique, que ce serait suffisant, même si l’on ne pratiquait rien d’autre. C’est dire à quel point il est essentiel de s’y adonner du tréfonds de son être.